Les femmes sont plus exposées aux assauts du stress

Une étude de l'Organisation Mondiale de la Santé - 1994

Les statistiques des centres de soins ne laissent guère de doute. La vie féminine est jalonnée d'épreuves spécifiques et parfois de violences propres à susciter des dépressions. Cela de l'adolescence au veuvage.

La santé mentale des femmes est plus fragile que celle des hommes. Elles sont davantage touchées, fréquentent plus souvent les médecins et les établissements spécialisés. Affectées de façon " disproportionnée ", elles subissent les effets de facteurs externes, comme leur rôle dans la société, mais ne sont, en revanche, pas victimes d'une incapacité innée à faire face aux situations. Telles sont les conclusions majeures d'une étude de l'Organisation Mondiale de la Santé - OMS - conduite en collaboration avec un centre spécialisé australien, le Key Center for Women's Health in Society.

Les femmes et plus particulièrement les femmes mariées sont beaucoup plus fréquemment admises dans les établissements psychiatriques que les hommes. Leur vulnérabilité s'explique, disent les experts, par l'inégalité de leur situation sur le plan socio-économique et par les contraintes qui en résultent. Ils appellent à une plus large prise de conscience des faits alors " que les situations que la société juge normales peuvent souvent entraîner des troubles de santé mentale chez la femme ". Non seulement elle répond de façon particulière au stress, mais le rôle qu'elle assume dans la vie - en qualité d'épouse, de mère, de fille, de salariée, soignante ou éducatrice - l'y expose davantage. Pour l'OMS, " l'infrastructure sociale actuelle suffit largement à expliquer la dépression et l'anxiété qui étreignent trop souvent les femmes ".

Il est établi que les troubles mentaux sont en général associé à des situations de frustration, impuissance et de pauvreté, phénomène a rencontré plus souvent chez les femmes.

Abordant les aspects les plus divers, les chercheurs ont, par exemple, noté que plus de 90 % des personnes, souffrant de troubles de l'alimentation sont des femmes à la recherche d'une silhouette parfaite mais qui reste pour nombre d'entre elles inaccessible. Les stéréotypes sociaux jouent ainsi un rôle évident. Le rapport insiste aussi longuement sur les effets néfastes des théories psychologiques qui mettent en avant et désignent comme normative l'expérience masculine négligeant trop souvent totalement les différences féminines. Le fait même de constater ces dissemblances ne signifient en rien que l'on établit une échelle de valeur entre l'homme et la femme - l'un étant fort, l'autre faible - mais bien que l'on s'efforce de donner une explication à ces variations pour mieux les prendre en compte.

La dépression est le problème de santé mentale le plus répandu chez les femmes dans les pays industrialisés. Les femmes mariées en sont plus souvent victimes et la tendance s'aggrave au fur et à mesure de l'arrivée des enfants.

L'enquête a permis d'établir que le fait de travailler hors de son domicile augmente la détresse psychologique si une garderie n'est pas à
sa disposition. En revanche, l'emploi atténue sensiblement le problème lorsqu'une crèche accueille l'enfant et que le conjoint assume une part des responsabilités.

La violence et les abus sexuels constituent, on l'imagine aisément, deux facteurs aggravants. Le rapport révèle à ce propos que près de
la moitié des familles des Etats-Unis vivent dans la violence et que deux millions d'Américaines sont chaque année battues par leur compagnon. Il s'ensuit un phénomène de terreur mais aussi de profonde dépression qui peut conduire à une " passivité apprise ". Aux Etats-Unis, sur dix actes de violence physique et sexuelle rapportés par des patientes soignées en psychiatrie, neuf ont été commis par des membres de la famille. Les auteurs font état d'une étude publiée dans le journal de l'Association médicale américaine selon laquelle " une femme sur dix serait victime d'un viol au cours de son existence ".

Si l'on tient compte de ce contexte des violences auxquelles sont exposées nombre de jeunes filles et de jeunes femmes, " la dépression et l'anxiété sont, selon l'OMS, des réactions tout à fait compréhensibles et réalistes ".

Le rapport aborde encore d'autres aspects des difficultés rencontrées par les femmes et qui ont un impact sur leur santé mentale. Il traite de l'adaptation à la fonction parentale, de la grossesse, de l'avortement, des fausses couches, de la maternité elle-même. Il évoque la période de profonde détresse que traverse la mère au cours des 12 mois qui suivent l'accouchement. Il a été ainsi remarqué que les femmes sont 22 fois plus exposées au risque d'être admises dans un hôpital psychiatrique pour une psychose au cours du premier mois qui suit l'accouchement. La menstruation est aussi étudiée en tant que facteur de trouble. Quant à la ménopause, elle ne semble pas déclencher un stress excessif.

La fin de vie est souvent difficile pour les femmes devenues veuves. Elles sont nombreuses après l'âge de 75 ans, et souvent isolées dans nos sociétés développées.

On ne saurait s'étonner, connaissant le contexte, que la santé d'un aussi grand nombre de femmes soit de la sorte mise en péril de temps à autre, conclut le rapport. Il va même jusqu'à marquer sa surprise de constater que les femmes ne sont pas plus nombreuses à être cruellement touchées...

Laurent MOSSU